Rayon de Lune

Rayon de Lune

Sous le smog

 

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État : R
édaction achevée. Bêta en cours.

 

Quatrième de couverture (provisoire) :  
Sous le couvert du plus impénétrable des brouillards, bien des choses innommables se déroulent. Dans cette capitale vouée à la déchéance et à la misère, certains vont tout tenter pour les empêcher alors que d’autres se demandent s’il ne faudrait pas plutôt laisser faire…

 

Cycle : Aucun.

 

Format : epub.

 

Où se le procurer : 

ebook 6 € (epub ou mobi) bientôt disponible sur la boutique 

 

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ou, bientôt également, en chapitres sur les blogs de  Hon Senshi et de Sénat.

 

 

 

 

 

 

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L'illustration : Réalisée par le duo Cédrique Hansen et Benjamin Brunet.

 

 

 

 

 

 

L'auteur :   Phœbé s'essaie ici à un nouveau genre.

 

 

 

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Crédits photo : inconnus


 

 

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Fumerie opium Singapour 1941

 

 
Chapitre premier :

 épreuve non corrigée

 

I – Premier corps.

   

La ville sentait la déchéance, la maladie et la mort.

Sous un ciel bas et chargé de nuages gris étrangement teintés de sang, les cheminées crachaient d’épaisses fumées noires et opaques. Les usines, les hauts fourneaux, les locomotives à vapeur et les manufactures encrassaient les façades d’une suie grasse et puante. Derrière les fenêtres malpropres, lanternes et bougies essayaient d’apporter quelque lumière, car, même en plein midi, le soleil ne parvenait que rarement jusqu’au sol. Les toits des plus hautes demeures, aux ardoises luisantes d’une récente averse, dépassaient avec peine d’un brouillard épais et persistant, sinistre chape de coton sale qui envahissait les rues à toutes heures selon un lent flux et reflux de la mer paresseuse qui remontait le fleuve saumâtre.

Des immeubles comptant jusqu’à une dizaine d’étages s’élevaient de part et d’autre de ruelles étroites et sinueuses se transformant parfois en véritables couloirs pour se glisser sous certains bâtiments. Construits à la hâte, avec les matériaux les moins chers disponibles et une main-d’œuvre non qualifiée, ils se fendaient et penchaient, allant parfois jusqu’à partager leurs gouttières tordues. Alors que sur leurs façades, de sombres rejets graisseux et du salpêtre masquaient fissures et lézardes, là où des pierres manquaient, des traverses de chemin de fer volées à la gare la plus proche servaient de murs, d’étais ou de poutres. Sur l’arrière, des cours, guère plus que des puits, disparaissaient sous des enchevêtrements de galeries branlantes, de balcons à l’équilibre précaire, d’escaliers pourrissants et de toiles tendues pour récupérer l’eau de pluie et s’épargner ainsi la corvée d’aller jusqu’à la fontaine où les puisatiers faisaient payer fort cher un peu d’eau réputée potable qu’ils récupéraient dans un cours d’eau souterrain se jetant sans doute directement dans la mer ou dans l’un des nombreux affluents du grand fleuve qui fendait la ville, car chaque marée ramenait du sel jusque dans leurs seaux, privant les habitants du précieux liquide.

Des ornières emplies de boues huileuses et gluantes creusaient les pavés scellés par la crasse accumulée depuis des siècles et qui recouvraient le sol des venelles tortueuses du labyrinthe de la Ville Basse. Au milieu de ces étroits passages, un sillon peu profond tenait lieu de caniveau. Depuis longtemps déjà, ce dernier ne charriait plus que des infections virulentes, des cadavres à moitié dévorés de petits mammifères d’espèce non identifiables et les contenus des pots de chambre. D’indiscernables déchets y flottaient, attendant le prochain déluge pour rejoindre le fleuve en aval, un fleuve large, traître et aux eaux plus noires que l’enfer lorsque la marrée leur rendait le droit de gagner la mer, emportant les rejets des abattoirs, des tanneries et des papeteries, et les cadavres gonflés de gaz putrides.

À l’image de ces lieux malsains, une triste population errait sans autre but que satisfaire ses instincts les plus primitifs et ses vices les plus sordides. Elle portait les stigmates de son environnement et ne comptait plus les toux glaireuses, les plaies purulentes, les blessures suintantes de pu, les disgrâces physiques et les infirmités. La pollution, la consanguinité et l’absence d’hygiène engendraient des monstres de foire ; les guerres, des manchots, des culs-de-jatte et des estropiés de toutes sortes qui auraient mendié s’il y avait eu quelques sous à y gagner. Et toute cette faune vivait, grouillait, forniquait, grognait, violait, tuait et détroussait dans l’ombre lorsqu’elle ne s’enivrait pas jusqu’à l’inconscience ou fumait, vautrée sur les lits de planches des opiumeries ou au beau milieu de la rue. Elle crevait de faim, mais copulait sans cesse, renouvelant ainsi son contingent de pitoyables gueux.

Dans les dangereux méandres sans éclairage public qui se transformaient en coupe-gorge à la nuit tombée, avançait une petite silhouette. La fille n’avait guère plus de quatorze ans, mais son corps avait déjà connu plus d’hommes qu’une année compte de jours. Son père était passé le premier parce qu’il n’avait plus d’épouse, tuée à force de coups, un soir de beuverie. Il avait bien profité de cette chair à peine nubile puis il l’avait vendue aux amis et aux voisins tout d’abord puis dans les tavernes, les bouges et même sur le port. Un soir qu’il rentrait ivre, il lui avait reproché de ne pas gagner assez et commencé à la frapper. Peu désireuse de finir comme sa mère, l’adolescente avait saisi un couteau et le lui avait planté dans la panse. Après quoi, ignorant s’il survivrait ou pas, elle avait fui la justice d’abord, mais aussi la vengeance au cas où son géniteur se remettrait de sa blessure. Elle avait changé de quartier et de nom, mais pas de vie. Ne sachant pas faire autre chose, elle monnayait ses charmes contre un grabat, un verre de gin ou une soupe, une nuit au chaud quand elle avait la chance de tomber sur un nanti qui lui proposait de partager sa couche.

Contrairement aux coutumes, elle allait sans bonnet ni chapeau, par manque de moyens, aussi ses longs cheveux châtain clair, sales et habités de poux, tombaient-ils librement dans son dos, sur une robe autrefois verte, au tissu grossier et élimé et dont l’ourlet bas irrémédiablement taché garderait à tout jamais une teinte brunâtre. Plusieurs jupons troués, une camisole trop grande et un fichu noué sur ses épaules l’empêchaient à peine de mourir de froid durant l’hiver. Une épaisse couche de corne et de boue durcie recouvrait la plante de ses pieds nus. Un désagréable bruit de succion accompagnait ses pas comme elle traversait un caniveau. Pour éviter une marre plus gluante, elle rasa un mur lépreux et macula davantage sa manche. À l’intersection suivante, elle hésita, fouillant les ténèbres du regard. Elle ne vit rien.

Deux bras jaillirent de l’obscurité. Une main se plaqua sur sa bouche pour étouffer son cri, une autre entoura son buste. Elles la tirèrent violemment dans une impasse. La fille de joie se débattit. L’acier glacé d’un couteau lui trancha la gorge. Un jet de sang gicla de sa jugulaire béante. Il éclaboussa le mur d’une large et longue ligne, avant de dégouliner sur ses vêtements. Devant ses yeux, le liquide épais coulait sur la pierre comme sur sa poitrine maigre. Les mouvements de la prostituée faiblirent puis cessèrent tout à fait. Son corps s’amollit et s’affaissa dans la poigne solide de son assassin.

   

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  Surtout n'hésitez pas à nous signaler toute faute ou erreur.

 


12/02/2021
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