Rayon de Lune

Rayon de Lune

Roses Noires (1)

PREMIERES ROSES NOIRES


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La femme était là.

Dans une simple robe de flanelle rose à dentelles grises, elle soignait un rosier comme je n'en avais encore jamais vu : couvert de roses noires, plus noires qu'une nuit d'orage.

En entendant mon pas et celui de mes hommes dans l'allée de graviers blancs, elle se releva et se retourna. Dans ses mains gantées, elle tenait un sécateur et une fleur épanouie. Elle devait avoir une cinquantaine d'années et une ombre de tristesse voilait ses yeux bleu très clair et empreints de douceur : les mêmes yeux que son fils.

Elle me regardait.

- Il est mort, n'est-ce pas ?

Je n'eus pas le courage de lui répondre, aussi me contentais-je de hocher la tête. Je crois que je craignais sa réaction. Je craignais ses larmes, sa haine peut-être, toute en les espérant au plus profond de moi.

- Cela devait finir ainsi. Je le savais. Il le savait. Mais il n'a pas reculé.

Elle se tut un instant.

- Madame, je...

- Non. Inutile de le dire. Vous venez m'arrêter. Rassurez-vous je n'ai pas l'intention de vous résister. Laissez-moi seulement prévenir mes domestiques de mon départ.

J'acceptais. Que pouvais-je faire d'autre ?

Elle revint une demi-heure plus tard. Elle avait changé de chapeau et de robe et portait à présent le deuil de son unique enfant. Je la fis monter dans la voiture tirée par quatre chevaux et ordonnait au cocher de nous conduire au château où se déroulerait l'interrogatoire. Durant le trajet, je liais connaissance avec cette charmante vieille dame et elle me raconta l'histoire de son fils.

 

 

 

« Mon petit Emmanuel est né deux ans après mon mariage avec son père, un noble de campagne. Le cher enfant n'avait gère hérité de lui que le nom qu'il portait car pour le visage et le caractère, il me ressemblait trop. Il possédait mes yeux bleus, mes cheveux noirs et bouclés. Notre chevelure est composé de plus d'épis qu'un champ de blé. Si je parviens à les coiffer à force de patience, lui ne s'en est jamais donné la peine. Il pensait que contrarier la nature lui coûterait trop de temps pour bien peu de plaisir.

Il aimait le jardinage, les animaux, même sauvage, la musique, la danse et la poésie. Il chantait fort bien et possédait un merveilleux don d'imitateur. Il pouvait reproduire tout ce qu'il entendait, ou grimer tout ce qu'il voyait. Malheureusement son père, un être dur et froid, ne voulait pas d'un artiste pour fils. Il voulait un militaire pour le prestige de notre nom.

Mon petit Emmanuel venait de fêter son dixième anniversaire lorsque son père nous annonça sa volonté de l'envoyer à Katraz, la plus renommée des écoles militaires. La réponse de mon fil ne se fit pas attendre.

- Je ne veux pas y aller.

Emmanuel avait toujours eu du courage mais jamais encore il n'avait osé s'opposer à son père.

- Je ne veux pas apprendre à tuer.

Son père se leva, furieux. J'ai cru qu'il allait le frapper mais il retint son geste.

- Vous n'avez pas le choix.

Il sortit.

Emmanuel partit le lendemain pour l'école. Les visites y étaient interdites, il ne nous écrivait pas, ses professeurs non plus. Si bien qu'il grandit sans qu'aucune nouvelle ne nous parvienne.

Ils l'ont gardé huit années. Huit longues années. Un beau  matin, il revenu. Il portait un adorable petit ensemble de voyage vert et bleu avec des bas blancs. Un baudrier de cuir brun barrait son pourpoint ajusté et un fleuret battait ses jambes. Il laissait ses cheveux dénoués flotter dans son dos et son chapeau penchait comme l'exigeait la dernière mode. Il descendit de son cheval dès qu'il eut franchi les grilles du domaine et courut à moi. Il me prit dans ses bras et m'embrassa en nous entraînant dans une danse folle. Nous étions heureux. Son père arriva et gâcha tout. Il l'invectivait. Emmanuel lui souriait. Il semblait que rien ne pouvait entamer sa bonne humeur.

- Père, vous vouliez un brevet. En voici un !

Il sortit un rouleau de parchemin de son habit.

En le lisant, mon époux devint cramoisi, puis livide. Il changeait de couleur à chaque ligne.

- Que signifie� ?

- Juste ce qui est écrit, père. Oh ! Mais l'âge vous rend peut-être ces quelques mot flous. Ne craignez rien je vais vous les lire.

Il essaya de reprendre le parchemin auquel son père se raccrochait. N'y parvenant point il opta pour une autre solution.

- Je vais vous le réciter, je le connais à la virgule près.

 

«  Monsieur,

Vous nous avez envoyé votre fils afin que nous en fassions un soldat. Vous savez notre réputation et la rigueur de notre institut. Vous êtes donc assuré que l'impossible fut tenté� sans succès, hélas.

Votre fils n'a point l'âme militaire et ne l'aura jamais. Pardonnez mon audace et acceptez mon conseil : ôter lui son épée dès son retour de crainte qu'il ne se blessa en l'enlevant lui-même.

Huit ans est un long séjour et je ne puis dire qui, de votre fils ou de ses instructeurs, trouva le temps le plus long. Peut-être est-ce moi� »

 

- Ainsi mon chère père, si vous désirez toujours un soldat pour fils : faites un autre enfant.

«  Et maintenant, monsieur, je vous salue et vous quitte car on m'attend ailleur.

«  Mère, je viendrai vous embrasser aussi souvent que possible »

Sur ces mots, il remonta en selle et disparut. »

 

 

 

*

* *

 

 

 

La voiture ralentit et s'arrêta. Nous avions atteint le but de notre court voyage. J'aidais cette brave duchesse à descendre et, lui offrant mon bras, je la soutenais pour monter le large escalier extérieur qui menait au hall situé au premier étage. Nous entrâmes et je la conduisis directement aux appartements préparés pour la recevoir. Tant que je n'aurais pas remis mon rapport sur ses agissements, Madame de Saint-Morand serait traitée avec tous les égards dus à son rang et à son âge.

Je l'abandonnais afin qu'elle se reposa et lui promis de la revenir la voir au plus tôt. Mais avant de lui parler plus longuement des actes criminels de son fils, il me fallait recueillir des renseignements sur le jeune duc et je savais ne pourvoir les obtenir qu'auprès de son meilleur ami, bien que celui-ci ignora peut-être tout du double jeu de Saint-Morand.

Je repris donc la route aussitôt arrivée.

Heureusement je portais mon uniforme de la Police Spéciale de Sa Majesté, qui me permettait de chevaucher. Ainsi je ne perdit pas de temps à me changer et enfourchai un cheval, de belle race je le reconnais, qui me conduisit au palais en deux jours. J'eu pu mettre moins longtemps si trois bandits n'avaient pas essayé dévaliser une pauvre femme sans défense, moi. Ils gaspillèrent ainsi leurs derniers instant sur cette terre et moi un temps précieux.

Le plus difficile fut d'être introduite auprès de monsieur de Chosal. On n'aime guère recevoir la visite de la police, même si on prétend bien fort ne rien avoir à se reprocher, et quand la dîtes police se présente sous les traits d'une femme, la réception n'en est que plus froide. On n'aime guère la police, on déteste les Amazones du Roy.

Néanmoins Chosal finit pas m'accorder une entrevue dans un salon trop coquet pour un homme. Il devait plutôt appartenir une femme jeune du genre écervelée et frivole à en juger par la quantité de rubans et de froufrous. Quand j'entrai, il affichait une mine hostile qui ne me rebuta pas, car j'avais l'habitude.

- Monsieur, je suis venu vous interroger au sujet d'Emmanuel Malaby, duc de Saint-Morand. Il comptait parmi vos amis ?

Il me regarda, visiblement surpris.

- Auriez-vous des nouvelles ?

- Nous enquêtons sur sa disparition.

Bien sûr, je préférais ne pas lui révéler sa mort dans l'immédiat. Du moins pas tant qu'il ne me convaincrait pas de son innocence dans toute cette affaire.

- Vous enquêtez ? Que cela signifie-t-il ?

- Que le Roy s'inquiète de Saint-Morand et veux savoir pourquoi il ne paraît plus à la cour.

Michel de Chosal s'assit dans un fauteuil sans m'inviter à l'imiter. Il s'éventait avec un mouchoir parfumé. Certes deux jours à cheval devait avoir défraîchit ma tenue mais de là à empuantir l'espace� Son attitude efféminée m'incita à le comparer avec Malaby ; étrange comme ils se ressemblaient peu. Cependant je pris garde à ne pas m'arrêter à cette première impression car, après ma rencontre avec la duchesse, j'avais découvert une face inconnue de sa personnalité et j'espérais en discutant avec son ami en dévoiler une autre.

- Madame, Emmanuel est mon ami et pour le revoir je suis prêt à tout. Alors poser vos questions et espérons que mes réponses vous permettrons de le retrouver.

- Je vous remercie, Monsieur.

Sans plus attendre son bon vouloir, je m'assis et commençais mon interrogatoire.

- Dans quelles circonstances avez-vous rencontré le duc ?

- Nous nous sommes parlé pour la première fois au cours d'un bal, il avait dansé avec ma s�ur durant toute la soirée et je le trouvais trop entreprenant auprès d'une si jeune personne. Je me suis donc arrangé pour le lui faire comprendre. Il m'a souris et s'est mis à parler.

 

 

 

« En l'espace de cinq minutes Emmanuel m'avait totalement embrouillé l'esprit au point que je croyais lui devoir des excuses. Autour de nous déjà se rassemblait un groupe de curieux et je réalisai aux regards qui s'échangeaient qu'on se moquait de moi. Ou plutôt, que ce monsieur de Malaby, car son père portait encore le titre de duc à cette époque, se moquait de moi.

Je devins écarlate et brisai le discours de ce beau parleur en une vive réplique dont je ne me souviens plus.

- Allons, Monsieur, à votre visage, je devine que j'ai, par mégarde, froissé votre sensibilité, répondit-il.

C'était m'injurier de nouveau. Mon sang battait mes tempes au point que je perdis tout contrôle.

- Je vous prie donc de bien vouloir accepter mes excuses, achevait-il.

- Je les refuse, Monsieur.

- Alors nous arrivons dans une impasse.

A cet instant, je le haïssais. Je ne haïssais pour sa superbe et pour son art d'esquiver l'inévitable but de notre dispute.

- Que nenni, Monsieur. Je vous défie pour l'honneur de ma s�ur et le mien. Mon second arrangera auprès du vôtre les détails de la rencontre.

Il avait pâli et je serrai les poings en réalisant que faisais face à un lâche.

- Nous n'en sommes point encore à nous entretuer, Chevalier. Réfléchissez, je vous en conjure et renoncez à cette folie.

- Auriez-vous peur ?

- Ma foi�

Il suspendit sa phrase. Toute l'assemblée le fixait. Quand il jugea son public mûr, il lâcha :

-� non. Mon second attendra le vôtre dans mes appartements dès demain.

Nous nous séparâmes alors et je retournai auprès de mes amis. Leur accueil me fit l'effet d'une douche glacée.

- Etes-vous fou, Chosal ?

- Quelle inconscience !

- Mon Dieu, messieurs, est-il si bon bretteur ?

- Bretteur !

- Malaby !

Il y eut quelques rires.

- Voilà deux mots qui ne s'accordent guère.

- Il est exécrable.

- Bine je le tuerai donc.

- N'en faites rien.

- Epargnez le.

- Mais pourquoi diable�

- Parce que la cour l'aime et que vous hériterez de plus de duels qu'un homme peut en supporter.

- Sans parler de Leurs Majestés qui ne vous pardonneraient jamais.

Ces nouvelles me déconcertèrent car je savais l'homme à la cour depuis un mois seulement et j'avais entendu dire qu'il revenait de Katraz, la meilleure et la plus dure école militaire. Or je connais fort bien ce lieu ù un mien frère est décédé pendant ses études : on en sort soldat ou on y meurt.

Je m'étonnais donc de sa réputation de mauvais escrimeur tout autant que des faveurs dont il jouissait. »

 

 

 

J'interrompis un instant le Chevalier car un détail de ses déclarations me tourmentait.

- Pardonnez moi, Monsieur.

- Je vous en prie.

- Vous saviez que Saint-Morand sortait de Katraz mais vous ignoriez sa maladresse au métier des armes ?- En effet.

- Vous le pensiez donc fort habile ?

- J'en étais convaincu.

- Et cependant vous n'avez as hésité à le défier !

- il en allait de l'honneur de ma s�ur, et du mien également.

Je me tus pour réfléchir un instant. L'inconséquence du Chevalier ne me surprenait pas ; les nobles agissent toujours ainsi. Ma mère en soit remerciée seule la moitié du sang coulant dan mes veines appartenait à cette race de fous.

- Quand eut lieu le duel ?

- La semaine suivante.

- Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

- Emmanuel avait une affaire importante à régler, qui ne pouvait souffrir le moindre retard.

- Connaissez- vous la nature de cette affaire ?

- Je l'ai apprise plus tard : il était alors fiancé à une jeune personne et, étant aussi sûr de mourir que je l'étais de le tuer, il souhaitait la délivrer de son serment avant la rencontre.

Je ne pus réprimer un sourire. Non seulement la façon dont la noblesse se préparait à mourir m'amusait mais Chosal venait enfin de me rassurer : nous parlions bien du même homme. Un homme que j'avais chassé, acculé, affronté et finalement vaincu.

- Comment se déroula le combat, demandai-je.

 

 

 

« Comme prévu j'arrivai avant l'aube afin que le duel commençât aux premiers rayons du soleil. Je venais avec mon second et celui de Saint-Morand, quand à Saint-Morant lui-même, il se présenta en retard, en sueur et déjà fatigué. Aux cernes sous ses yeux nous devinâmes qu'il n'avait pas dormi. En le voyant dans cet état je lui proposai de repousser la rencontre.

- Non, non. Cela ira. Je vais bien, assura-t-il.

Nous nous trouvions dans la clairière qui surplombe la falaise du Dieu Déchu. Elle est connue pour sa praticité dans ce genre d'affaire : un large espace plane herbu sans obstacle tant que l'on ne s'approche pas trop des arbres et dans le même temps assez ombragé par eux pour que nul ne soit gêné par le soleil.

Mon adversaire ôta sa veste, laissait apparaître une chemise immaculée sans un mauvais pis. Il en déboutonna le col et écarta le jabot. Il échangea ses souliers de courtisan contre des bottes et prit son épée dans son fourreau avant de se présenter à nous.

- Veuillez me pardonner à nouveau ce délai ; j'ai eu quelques déboires avec une charmante personne qui m'a retenu toute la nuit. La reine ne voulait pas que je me batte et m'a fait jouer jusqu'à l'aube. J'ai perdu des sommes colossales !

Il souriait et la peur que j'avais cru déceler chez lui lors du bal avait totalement disparu, si elle avait jamais existé.

- Messieurs.

Nous nous approchâmes de l'arbitre.

- Messieurs. Avant d'aller plus avant il convient de savoir si le duel est la seule issue à votre différent.

Je ne répondis pas car Malaby me devança :

- Mon bon Etienne, vous nous ennuyez. Vous n'ignorez point mon dégoût des armes et vous vous doutez bien que tout a été vainement essayé pour éviter ce qui vous contrarie si fort. Alors épargnez nos ce ridicule rituel et finissons en.

Mes yeux s'ouvrirent en grand sous l'effet de la surprise. Comment osait-il tenir de tels propos ?

- Comme vous voudrez, mon cher Emmanuel.

Mon incrédulité redouble.

Etienne de Maiböm était connu pour sa susceptibilité et sa promptitude à tirer l'épée mais il se réagissait pas l'insulte de Malaby.

- Eh bien, Monsieur, reprenez-vous !

- Excusez moi.

- C'est également votre premier duel ?

Je sursautai et regardai le plaisantin. Il souriait toujours, son fourreau à la main.

- Quand dois-je interrompre le combat ? demanda l'arbitre.

- Au premier sang.

- A ma mort.

Je me retournai vers Malaby.

- Lorsqu'on commence quelque chose, il convient de le conduire à terme, s'expliqua-t-il.

- Emmanuel, Monsieur de Chosal étant l'offensé, c'est à li d'en décider.

- Monsieur, je regrette de vous contrarier mais nous nous en tiendrons au premier sang. Je ne voudrais pas abîmer l'ami de Leurs Majestés�

- Oh, Leurs Majestés, lâcha-t-il avec un geste agacé. Parfois elles me font penser à mon père et, croyez-moi, le souvenir n'a rien d'agréable.

Cette fois je m'emportai et en prenant place face à mon adversaire, j'avais bien envie de le tuer� au premier sang !

Il dégaina sa lame.

- Aïe !

L'arbitre s'approcha de lui en sortant son mouchoir et le lui lia autour de la main gauche. Il s'était blessé en sortant son arme. Nous nous mîmes enfin en garde.

- Messieurs, êtes-vous prêts ?

- Oui.

- Oui.

- Bien. Je vous rappelle que le combat cessera au� deuxième sang, le premier ayant déjà coulé.

- Etienne, taisez-vous donc un peu.

- Messieurs, allez y !

Nous croisâmes le fer.

J'attaquai aussitôt. Je voulais en finir. Il ne para pas mais rompit à la vitesse de l'éclair. Je me fendis. Il esquiva. Je revins en garde J'attendais sa riposte. Elle ne vint pas. Il attendait. Je l'agressai de nouveau. Il contra et recula, recula encore. Je n'usais pas de feintes. Elles n'auraient servi à rien. Je l'acculais déjà.

Soudain il disparut.

Je réalisai brutalement que nous nous étions trop rapprochés du précipice. Je plongeai pou rattraper Emmanuel qui glissait.

Ma main frôla la sienne. Elle m'échappa.

- Malaby ?

Arbitre et témoins étaient couchés dans l'herbe à côtés de moi.

- Malaby ! Si vous êtes en vie, dîtes quelque chose.

Un lourd silence me répondit.

La pâleur envahissait nos visages tendus.

- Mort, j'aurais du mal à parler.

- Malaby, C'est vous ?

- Bien sûr. Qui d'autre aurait l'idée saugrenue d'imiter le Dieu Déchu en tombant de cette falaise à six heure du matin ?

- Je constate avec plaisir que vous ne perdez pas votre sens de l'humour, cria l'arbitre en réponse.

- Messieurs, ne croyez surtout pas que votre charmante conversation me lasse mais auriez-vous l'obligeance d'y mettre fin pour me sortir de ce trou.

- De combien de temps disposons-nous ?

- Ma foi, si la branche résiste à mon poids et si mon bras ne fatigue pas, vous disposez de toute la journée.

Malgré la situation mes compagnons se permirent un sourire et, moi-même, je me sentais envahi par la joie de vivre contagieuse de Malaby. »

 

 

 

- Nous parvîmes à sauver Emmanuel grâce à une corde qu'un des témoins transportait toujours dans les fontes de sa selle. Par la suite nous devîmes amis et ne nous quittâmes plus

Un long silence suivit. Je relisais mes notes afin d'éclaircir le spoints qui me semblaient obscures.

- Vous dîtes que Saint-Morant a comparé Leurs Majestés à son père.

- En effet.

- Ne craignez vous pas de porter atteinte à sa réputation ?

- Non. Emmanuel utilise fréquemment cette comparaison lorsque le Roy ou la Reine l'empêche d'agir à sa guise et il n'hésite pas l'employer devant eux.

- Quels étaient ses sentiments à l'égard de son père ?

- Il le haïssait quand il vivait. Mort, il a choisi de l'oublier.

Je notai en marge que sur ce point la duchesse de Saint-Morant et le Chevalier de Chosal s'accordaient.

- Et que pense-t-il de sa mère ?

- Il l'adore. Je n'ai jamais vu un homme déifier à ce point une femme.

- Déifier ! ne trouvez vous point le terme quelque peu exagéré ?

- Je le pense trop faible au contraire.

Je ne manquai pas de retenir la puissance de cet amour filiale dont les propos de la Duchesse m'avaient déjà averti. Mais je pensais alors avoir en face de moi une mère bouleversée par la mort de son fils unique. J'ignorais que la douleur l'avait empêchée de se confier, au contraire des femmes ordinaires qui s'épanchaient sur la première épaule disponible.

Je repris ma lecture.

- J'aimerais revenir sur le duel�

- Je vous en prie.

- Pendant que vous vous battiez, avez-vous eu l'impression que Saint-Morant faisait réellement tout son possible pour vous toucher ?

- Qu'entendez-vous par là.

- Eh bien. N'est-il pas possible que votre adversaire ait feint la maladresse ?.

- Feindre la maladresse !

Il riait.

- On voit que vous ne connaissez pas Emmanuel. Il ne feignait pas. Je puis vous le jurer car j'ai par la suite tenté de lui enseigner quelques passes. En vain, hélas.

Je ne me sentais pas vexée de ses rires pourtant guère flatteurs à mon endroit. En fait, j'avais envie de partager sa joie.

- Pourriez-vous me décrire une de ces leçons ?

- Mon Dieu, non, je ne crois pas. Monsieur de Saint-Morant y joue un trop mauvais rôle et si cela devait s'ébruiter, il ne me pardonnerait jamais. Vous m'en excuserez, j'espère.

- Biens sûr.

L'entrée d'un valet mit fin à l'entretien, l'homme m'apportait un ordre du Roy et je pris aussitôt congé du Chevalier.

(à suivre)






26/09/2009
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