La mauvaise idée
Le 20 décembre
Dans la mairie d’un petit village perdu dans l’Arcolie profonde, le Maire cherchait quelqu’un de disponible dans les bureaux. Il tomba alors sur Phœbé, flanquée de ses deux stagiaires Sean et Brewal.
– Ha ! Phœbé, je vais avoir besoin de vous trois pour porter deux ou trois tables.
– Ok les boys, on s’exécute ! lance-t-elle avec un clin d’œil à ses complices.
Ils emboitèrent donc tous le pas au septuagénaire jusqu’à une grande et belle salle ornée de boiserie et de rideaux de velours.
– Il faut installer les tables le long du mur de la salle de mariage.
Une fois les tables mises en bonne place, une nouvelle tâche ne tarda pas à se présenter : mettre les nappes.
Puis vint le moment de mettre des assiettes, des verres, d’aller chercher les boissons et les petits fours et de décorer la salle. Bref, deux heures pour installer une salle digne du Noël des enfants de la mairie. Mais le Maire ne semblait toujours pas satisfait ; il était au téléphone avec une personne qui, au vu du ton de la discussion et des brèves paroles que l’on arrivait à comprendre, ne viendrait pas alors que l’élu comptait sur lui. Furieux, le septuagénaire raccrocha.
– Bon, l’ancien qui devait faire le père Noel vient de décommander. Phœbé, vous allez bien nous faire la mère noël ? demanda-t-il plein d’espoir.
– Oui, Monsieur ! lui répondit la directrice des services techniques d’une voix peu enjouée.
Mais son regard d’habitude marron passa soudain au rouge et à l’ocre... Intérieurement, elle jubilait.
Le moment venu, les enfants furent rassemblés dans la salle et assis devant le sapin dressé. En coulisse, Phœbé préparait son sac et enfilait son costume rouge. Elle laissa la barbe postiche, En ce siècle nouveau, inutile de se grimer en homme : la mère Noël avait sa place dans l’imaginaire commun. Son entrée fut triomphale, les enfants l’applaudirent et, afin de laisser leur nouvelle idole faire la distribution de présents, les parents et le Maire sortirent de la salle, laissant la directrice des services techniques et ses deux stagiaires s’occuper de tout pendant qu’ils allaient boire un verre dans la salle du conseil municipal. L’un des stagiaires posa sur la table un grand sablier noir terni par le feu de cheminée et le retourna. Le temps soudain s’arrêta en dehors dans la pièce. Les pieds des deux stagiaires devinrent des pieds de bouc et des cornes roulées sur elles-mêmes leur poussèrent sur le front. Les enfants commencèrent à paniquer, les lutins étaient très différents des années passées. Ils voulaient tous hurler mais rien ne sortait de leurs bouches. Phœbé sortait de son sac les objets utiles à son sacerdoce : fouets, chaînes, entonnoir, corde, tranchoir… Mais bien sûr aucun cadeau.
Les enfants tremblaient de plus en plus. La sadique mère Noël commença par le petit Thibault qui adorait se moucher la morve avec les doigts et les essuyer sur les pantalons des personnes à qui il faisait ensuite un câlin. Pendant que la directrice attachait l’une de ses petits menottes avec un lacet de cuir afin qu’elle restât immobile, les stagiaires prirent chacun une petite fille et commençait à leurs administrer avec grande expérience une solide fessée. Des flaques malodorantes commençaient à apparaître sous certains enfants et d’autres odeurs indélicates arrivaient maintenant aux narines de l’assemblée.
– Vous nettoierez les sales gosses aux orties, ordonna la terrible femme en rouge et blanc à ses acolytes infernaux.
– Bien, Madame !
Phœbé termina enfin d’attacher la main du gamin terrorisé. Elle prit le tranchoir, vérifia consciencieusement son tranchant, le leva au-dessus de son épaule et l’abattit avec force. Elle coupa la menotte pleine de morve. Le petit hurla de douleur et s’évanouit. Phoebé regarda alors l’assistance : les enfants pleuraient tous, aucun ne bougeait, tétanisés par la peur. La mère noël vit l’entonnoir rouge sur la table et chercha dans l’assistance sa prochaine victime, ses stagiaires prenaient déjà deux nouveaux enfants pour les fouetter. Elle vit le petit Franck, le garçon qui racontait n’importe quoi ; le petit gros qui en plus avait déjà commencé avant les autres à piller le buffet. En cet instant même et cela en dépit de la peur qui le taraudait, il enfournait discrètement une poigné de chips. Il allait payer cher sa gloutonnerie. Phœbé fonça sur lui et attrapa de sa main libre le gamin terrorisé qui n’eut pas le temps de réagir. Elle lui ouvrit la bouche et y enfonça l’entonnoir sans aucun ménagement.
– Alors tu aimes les chips mon garçon, c’est bon les chips, mais c’est encore meilleur avec de la sauce ! Regarde ce que j’ai pour toi ; de l’huile de foie de morue que j’ai fait mariner au piment oiseau ! Tu vas voir, cela glisse tout seul dans la gorge. C’est divin. En plus, tu as de la chance ; la bouteille est pleine.
Le jeune glouton essaya de se débattre, mais la terrible mère Noël le tenait fermement. Il eut beau essayer de se sauver, le liquide lui descendait dans le gosier en le brûlant.
– Je crois que celui-ci va avoir besoin aussi d’un bon nettoyage !
– Oui, Maîtresse. On termine de fouetter ces deux-là et on attaque le nettoyage.
– Maîtresse, le sablier est presque vide.
– Un dernier pour l’apothéose et nous partons.
Dans la salle, les enfants qui n’avaient pas encore subit de punition retinrent leurs souffles. Phœbé remarqua une jeune fille de neuf ans maquillée comme une femme de mauvaise vie avec du fard violet sur les paupières et un rouge à lèvres prune, les cils noircis au mascara de luxe de maman. Ce n’était pas la première fois que Phœbé voyait en cette gamine habillée comme une prostituée, la si célèbre femme de Babylone. Elle prit la jeune fille qui hurlait et se débattait violemment mais la mère Noël tenait bon. Elle lui lava le visage au gant de crin puis lui ôta sans aucun ménagement son pull et son maillot de corps une fois son dos nu, elle la fit mettre debout face aux autres et se saisissant d’une baguette de noisetier. Elle cingla le dos de la fillette qui se zébra de rouge. Ses acolytes avaient déjà déshabillé les enfants de l’assistance qui s’étaient souillés et leur passaient des orties sur le corps. Cela les fit exécuter une danse simiesque en hurlant de douleur, les joues rouges de honte d’être ainsi dévêtus et la peau brûlante. Les fins grains de silicate dans le sablier étaient presque écoulés, aussi les trois bourreaux remirent-ils leurs instruments de tortures dans leur sac magique et partirent par la cheminée.
Le temps se remit à couler…
… et les parents entendirent enfin les cris de leurs progénitures. Ils entrèrent précipitamment dans la salle. Le spectacle était horrible : les enfants hurlaient, se tordaient de douleur sur le sol. Le petit Franck se vidait de ses boyaux. Certains se roulaient par terre et massaient leurs postérieurs endoloris. Le Maire se demandait bien ce qui avait pu se passer en si peu de temps et où étaient passés ses employés. Il s’aperçut, mais bien trop tard, qu’il n’était pas très malin de demander à la descendante du père Fouettard de jouer la mère Noël.
Le matin du 25 décembre, un être au cœur bien plus noir accueillait la terrible Phœbé autour d’une dinde au marron.
– Merci l’Ancien, ton cadeau était divin ; je me suis régalée ! Et je ne t’ai pas oublié, j’ai trouvé que le petit William ferait un dessert de noël très convenable.
– En effet, ma chère, je vais me régaler !
L’Ancien, le plus vieux vampire du monde, regardait déjà avec envie le gorge du petit garçon où il planterait bientôt ses crocs...
Bonjour,
Voici une nouvelle écrite par Eleora, une jeune irlandaise, qui partît d'une anecdote réelle pour m'offrir ce très original cadeau de noël. Merci Eleora. Merci aussi à Liam, son traducteur.
Phoebé
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 44 autres membres